Phéo ! un joli xelor =).
Bonsoir à toutes et à tous !
Voici mon histoire..
*Un tofu d’une grosseur surprenante s’approche timidement de la porte, une lettre dans le bec. Il cherche à se glisser dans l’entrebâillement mais son obésité le décourage et l’essouffle vite. De dépit, il s’envole en pestant après avoir craché son colis. Ce dernier échoue doucement au sol, révélant une encre sombre et vacillante… *
Je salue celui ou celle qui découvrira ce message. J’ose néanmoins espérer qu’il arrivera à bon port au repère des Anges de l'espoir. Ce tofu ne m’a pas l’air très doué et il mange tellement que je crains qu’il n’éclate en route.
Mon nom est Le-pheonix. Je suis un fervent disciple de mon unique Dieu Xelor. Je vais tâcher de me présenter de façon simple et concise. Si mon histoire pourrait sembler hors du commun, je tiens à préciser qu’aucun fait n’en est inventé.
Je suis né sur la langue de terre que l’on nomme aujourd’hui presqu’île des dragoeufs. Je vivais dans une très jolie maison sur la place de la fontaine, non loin du kanojedo, avec ma petite sœur Perle de Nuit, et mes parents, une sadida et un sacrieur. L’argent n’était pas un problème pour nous : mon père était un habile chasseur et ma mère tenait bien les comptes. Les conflits ne touchaient pas l’île : ses habitants la souhaitaient à jamais neutre. Ainsi, la vie s’écoulait tranquillement. J’apprenais à me battre au kanojedo et ma mère m’enseignait les sciences de la nature.
J’avais huit ans quand survint le grand drame maintenant figé dans tous les livres de l’Histoire amaknéenne. Nous savions tous que les osamodas pratiquaient des expériences illicites sous le kanojedo. Ils désiraient domestiquer des dragons au détriment des règles imposées par leur Dieu. J’ai un souvenir très précis de ce jour-là… Ma mère se penchant à la fenêtre… Le kanojedo en flammes… Les monstres furieux… Mon père nous jetant dehors et nous hurlant de joindre au plus vite l’autre côté de la rivière. C’est la dernière image que je garde de mon père. Je ne sais toujours pas ce qu’il devint ; parfois je me demande si son destin lui offrit la même chance que moi, et si nous nous reverrons jamais ?
Ma mère nous fit marcher très longtemps. Nous dûmes traverser le cimetière des torturés. Si vous le connaissez, vous savez comme il vaut mieux s’en tenir le plus éloigné possible. Mais à cette époque, les conflits et les guerres touchaient leur paroxysme, et plus le nombre de morts augmentait, plus nous assistions au lever de cadavres et d’horreurs. Quel ne fut pas mon soulagement lorsque nous rejoignîmes sinon un vrai lieu de repos, du moins l’ébauche d’un village dévasté, l’ancien Ghisgoul !
Maintes étranges créatures avaient pris possession des gîtes et vieilles cabanes. Je suis retournée là-bas il y a peu. Les bworks s’y sont visiblement mutipliés, mais ce n’était alors qu’une faible population. Pour nous protéger, ma mère construisit une forteresse de ronces et d’herbes qu’elle fit pousser avec minutie. Elle ne dormait presque plus. Avez-vous déjà vu un disciple de Sadida ne dormir que quelques heures par jour ? Celle-ci se restreignait à deux heures, qu’elle répartissait en tranches d’un quart d’heure. Elle avait toujours l’œil sur ses ronces et sur nous. Ma sœur et moi ne pouvions bouger. Le temps que notre mère passait à surveiller du haut de son arbre, nous l’utilisions à dormir, ou à jeter des épines sur les monstres de dehors. Je dois bien avouer que l’on s’ennuyait énormément. Nous finîmes même par en vouloir à nos parents ; comme s’ils étaient responsables ! Le regret me hante encore… Un soir, un jour, une nuit, comment savoir ?, il faisait si sombre…, un bwork s’approcha de notre campement. Ce fut le tout premier spécimen que je vis. Je le trouvai fort intéressant. Je ne compris pas l’état de panique dans lequel il mit notre mère. Je crus d’abord que le manque de sommeil la déstabilisait. Mais quand je compris ce qu’allait faire cette créature, quand je le vis lever ses énormes volumes de livres, et quand il l’abaissa pour faire jaillir l’éclair de l’enfer, et que le hurlement déchirant de la sadida brisa l’horrible silence des Landes, mon esprit déroula sous mes yeux le fil de ma vie, et je crus que c’était la fin. L’arbre brûla. Ma mère y était perchée. Les ronces subirent l’assaut des flammes ; des Karnes commençaient à gratter nos ronces avec leurs griffes. Elles firent un trou si important que le chevaucheur put y passer sa tête. Perle de Nuit réagit avec une rapidité qui me surprit : elle balança son pied sur la face blafarde du monstre, ce qui le fit chanceler et s’écrouler sur le bwork. Elle prit ma main et nous nous échappâmes par la sortie de fortune formée par notre ennemi.
Courir ! C’était l’unique chose à faire… Je ne sais combien de temps nous courûmes, combien d’immondices nous dépassâmes, et combien ma mère avait souffert… Nous nous laissâmes tomber au beau milieu de la plaine morte, au paysage ravagé comme nos cœurs. Il n’y avait rien autour de nous. Nous étions trempées, nos vêtements étaient en lambeaux, nous étions presque nues en plein cœur du néant. Je fus sujette à des hallucinations. Un vieux xelor vint près de moi. Il connaissait mon nom. Je ne le reconnaissais pas. Ma sœur poussa un cri : « Grand-père ! » avant de s’évanouir. Voilà ce qu’il me dit : « Votre père se bat depuis des mois. Il est l’un des derniers survivants. Nous ne sommes plus que quelques combattants. Tout le monde est parti. Vous n’êtes pas loin de notre village. Ne venez plus. Je vais vous empêcher de revenir. Je vais vous ralentir et vous protéger. Vous vous en sortirez dans quelques siècles. Que votre Dieu soit clément pour vous, mes petits». Il mit ses bras derrière son dos, créa un champ de force, et nous enveloppa toutes deux d’un halo blanchâtre que l’on nomme dans les registres de sorts un ralentissement.
Débuta mon vieillissement accéléré. Les jours, les mois, les années, cinquante ans, un siècle, roulèrent devant moi. Personne ne semblait nous voir. On nous frôlait, on s’arrêtait, on discutait, on riait, mais la grande majorité du temps, il ne se passait rien. Je ne pouvais bouger. Je pensais être mort. Je vis l’évolution du monde, j’observai des guerres qui ne duraient qu’une seconde. Puis tout cessa. Un frôlement de trop. Je fus percutée de plein fouet par un sacrieur. Je me relevai très malade. Ma sœur me fit peur, je ne la reconnus pas : physiquement, elle avait pris dix ans. Ce sacrieur s’appelait Saketsu ; il nous restaura de pain et de potions. Il nous mena à travers les contrées ; je ne faisais pas attention au paysage, et je ne pouvais le faire : il nous traînait et nous faisait souffrir, « on avait ça dans le sang » affirmait-il. Enfin il nous mena dans sa maison de boucher, et écouta notre histoire.
Il nous crut fou et nous mena à la taverne où il nous fit boire. Je découvris quelque chose de surprenant : une disciple de Iop exécutait une danse, à moitié nue. Elle était d’une beauté incroyable. Saketsu me la présenta comme la descendante d’une des plus vieilles lignées des combattants de la bataille des dragoeufs. Je demandai à cette femme si elle connaissait mes parents. Elle me dit que cette guerre avait eu lieu un siècle et demi plus tôt. Etait-ce l’alcool ? Je défaillis et brisai mon verre entre mes doigts. Je lui demandai son nom et les noms de ses ancêtres.
J’étais l’arrière-arrière-arrière… et je pourrais en ajouter d’autres… grand-père de cette fille. J’ai plus de cent cinquante ans. Mon physique est celui d’un jeune xelor d’une vingtaine d’années mais j’ai vu et vécu plus que l’immense majorité d’entre vous ne pourront jamais le faire. Je n’avais plus aucun but dans l’existence. Ma mère était morte et mon père… Il était vivant quand le xelor me sauva. L’est-il toujours ? Je cherche ses traces en remontant mon passé. La jeune fille nous accueillit chez elle. Son nom est Gardienne et si cette lettre est bien arrivée à son destinataire, alors vous devez la connaître. Je vis aujourd’hui avec elle, sa petite sœur Guerrière, sa sœur aînée Lanilie, et une disciple d’Enutrof qui régente le tout d’une main de maître. Perle de Nuit et moi sommes considérés par le clan comme des freres et sœurs de la même génération. Aucun de nous ne prend part aux conflits qui opposent les cités rivales, et nous ne participons pas aux activités Sériane-Kerm.
Je ne sais pourquoi, mais Gardienne me trouve peu encline à l’amusement et au divertissement qui tentent les « jeunes ». Pour m’occuper, elle me mit sa pioche dans les mains et je commence à taper du caillou, mais je ne suis pas doué : j’ai juste assez de force pour écorcher du fer. Je ne me débrouille pas très bien non plus dans l’art du combat, et j’aimerais obtenir ma vingtième ceinture de combattant ; je m’entraîne dur mais le ralentissement se répercute encore maintenant sur moi en m’imprégnant d’une lenteur excessive. Elle me parla de ce que l’on appelle une « guilde ». Je ne connaissais pas ce terme avant qu’elle ne me décrive avec enthousiasme Les anges de l'espoir. Elle est persuadée qu’il faut que je découvre « l’humour » et que cette pratique ardue nécessite des professeurs.
Ainsi je m’en remets à vous. Elle m’a proposé d’écrire une formule plus convenable du genre : « oh grands Inquisiteurs, apprenez-moi ». J’espère tout de même que le découragement ne vous a pas pris dès le commencement, à la lecture de cette lettre. Mon passé reste à présent ancré au plus profond de moi ; chaque sillon qui sangle ma peau tachée me ramène à une des ronces qui ont écorché ma vie. Et si le futur reste pour moi incertain, je souhaite de toute mon âme, avec les bribes de ce qui me reste de cœur, le partager avec vous.
*Une note est griffonnée en bas des feuillets : « Sachez que je suis disponible si vous désirez me joindre ; il suffit de penser à mon nom, Le-pheonix.
Bonne soirée à vous j'espère que vous vous êtes pas endormi !
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Cordialement, Le-pheonix !